La continuité pédagogique à Paris / #RÉCIT N°2   École Boursault (17ème arrondissement)

Sophie Caron a trois ans et demi d’ancienneté et elle a réintégré cette année l’Education nationale après une disponibilité de six ans. Sophie Caron est enseignante en CE2-CM1 à l’Ecole Polyvalente d’Application Boursault dans le 17ème arrondissement ; elle a 25 élèves répartis en 18 CE2 et 7 CM1.

Comment s’organise l’enseignement à distance pour votre classe ?

Je travaille avec deux outils « RGPD » ; Paris Classe Numérique et Ma classe à la maison du CNED. J’utilise PCN depuis le début de l’année en complément des cahiers de textes et de liaison et pour le blog de classe. A la fermeture des écoles, mes élèves et leurs parents étaient donc déjà connectés. J’ai activé ma classe virtuelle via la plate-forme du CNED et reçu les liens modérateur (administrateur du groupe) et participant (à envoyer aux élèves). J’ai créé des groupes homogènes de quatre élèves afin que l’écran soit partagé géométriquement en quatre fenêtres fixes. J’ai établi un emploi du temps de connexion dont le volume horaire est globalement celui de l’école avec deux créneaux hebdomadaires pour chaque groupe de CE2 et un créneau quotidien pour les deux groupes de CM1. J’ai décidé de me charger des mathématiques et du français lors des connexions. Pour l’histoire, la géographie et la science, j’ai envoyé les séquences prévues pas à pas avec les corrigés. Enfin, j’ai envoyé une proposition d’emploi du temps aux élèves afin de les aider à structurer le temps quotidien et hebdomadaire.

J’ai, dans mon effectif, un élève qui ne dispose pas du matériel. Je m’arrange pour travailler avec lui par téléphone et lui ai envoyé des fichiers de français et de mathématiques. J’ai perdu le contact avec un élève qui lui, dispose des moyens nécessaires, mais dont les difficultés sont issues d’une situation familiale particulière. Je continue à essayer de le joindre car la classe virtuelle permet d’établir une certaine continuité pédagogique par la continuité du lien « physique », visuel avec les élèves. L’objet ordinateur devient symbole et outil ; il est ce qui permet la classe et la structure. Il est le cadre et l’espace de travail sans cependant se substituer aux autres outils nécessaires. Il est à la fois la condition et le moyen.

Les limites techniques du dispositif (ne pas pouvoir connecter tous les élèves en même temps) m’ont obligée à adapter ma façon d’enseigner. Le cadre proposé par la classe numérique est dupliqué dans l’objet-livre. En classe réelle, j’aurais certainement prévu des situations de recherche plus mobiles et plus « expérimentales ». En classe virtuelle, je réponds à la nécessité de structure, compte-tenu de la situation pour les élèves, par l’utilisation renforcée du manuel qui, parfois décrié, devient à son tour et à l’image de l’ordinateur, cadre et condition de l’apprentissage de la notion.

 

L’expérience vécue actuellement aura-t-elle un impact durable sur votre façon d’enseigner ?

L’usage conjoint de ces outils modernes et traditionnels est le symbole d’une pédagogie actuelle. On ne doit ni abandonner les manuels en versant dans le tout numérique ni s’opposer à la modernité. Les premiers à se distinguer dans cet exercice sont les élèves eux-mêmes, capables d’organiser et d’utiliser, de manière autonome et individuelle l’écran, le cahier et livre. Le dispositif les responsabilise, et, contre toute-attente, favorise la concentration. Lors des temps de travail, les élèves se voient entre eux et me voient. Lors des moments de pause, je me retire de la caméra pour les laisser discuter, comme une récréation connectée. La classe virtuelle marque les moments de l’apprentissage selon l’absence ou la présence de l’enseignant, ce que je vis personnellement comme un renforcement, une affirmation de la posture et de sa valeur.

Cette expérience développe plus qu’elle ne modifie : développement de l’autonomie, développement de compétences techniques ; elle sera un facilitateur pour le prolongement de l’usage de ces ressources numériques en classe, lieu physique et géographique qui est encore et toujours cependant le cadre naturel, privilégié, nécessaire de l’enseignement.


Article proposé en partenariat avec :

ANCP&AF Paris : La place, le rôle, la mission du conseiller pédagogique et plus largement des formateurs du 1er degré dans un système éducatif en perpétuelle évolution est une préoccupation constante et majeure de l’ANCP&AF, Association Nationale des Conseillers Pédagogiques et Autres Formateurs.

Cette association professionnelle, de statut loi 1901, vise principalement l’établissement entre ses membres de relations fondées sur la pratique de la coopération intellectuelle et de l’entraide professionnelle. Au sein de l’ANCP&AF Paris, les rencontres et formations de formateurs organisées se donnent pour objectif principal de permettre aux formateurs d’acquérir des gestes professionnels performants et innovants pour accompagner efficacement les professeurs des écoles dans leur mission, la réussite de tous les élèves.