La continuité pédagogique à Paris / #RÉCIT N°12 : L’école maternelle Charles Baudelaire (12ème arrondissement)

Constance

Madame Claudie Malaganne est enseignante à l’école maternelle Charles Baudelaire dans le 12ème arrondissement. Professeure des écoles depuis 20 ans, elle a cette année la responsabilité d’une classe de 28 élèves de Grande Section.

Quelle a été votre plan d’action à l’annonce du confinement ?

Les objectifs ont évolué au fil du temps. La priorité au début était de rassurer les parents et de les aider à construire l’emploi du temps de leur journée avec des enfants d’âge maternel, confinés dans des appartements parisiens souvent sans jardin, quelquefois sans balcon.

Avec l’équipe de l’école, nous avons réfléchi à des pistes concrètes pour aider les parents à ritualiser les journées de leurs enfants. En maternelle, les rituels rassurent et structurent la journée. Certains parents avaient déjà mis en route des emplois du temps que j’ai partagés avec la classe.

La deuxième priorité était de garder le lien. J’ai rapidement mis en place les échanges avec les parents via la messagerie académique et le téléphone pour ceux qui ne disposent pas d’équipement informatique. Entre les contacts erronés et les messages sans réponses il a fallu 15 jours pour renouer le lien avec toutes les familles.

Seule une famille n’a jamais pu être contactée. J’ai réussi à savoir que l’élève était en bonne santé par l’intermédiaire d’une voisine mais j’avoue mon impuissance. J’ai alerté la directrice, mais que faire lorsque tous les moyens de communication à notre disposition ont été épuisés et que le parent ne souhaite répondre ? Nous allons retenter de la joindre pour le retour dans les écoles le jeudi 14 mai.

Par la suite je me suis posée la question de la mise en place de la continuité pédagogique la plus pertinente. Quels outils et quels contenus mettre en place pour s’adapter au niveau, au profil, aux contraintes des familles. ?

Comment avez-vous organisé l’enseignement à distance pour vos élèves ?

A l’annonce du confinement, je me suis portée volontaire pour aller sur le terrain faire la classe aux enfants des soignants. C’est là que j’ai commencé à échanger sur la continuité pédagogique et que j’ai pris conscience que la mutualisation allait être un enjeu essentiel pour avoir des réponses adaptées à cette situation exceptionnelle.

Je me suis mise en relation avec plusieurs collègues avec lesquelles je n’ai cessé depuis d’échanger sur les pratiques.

Je voulais absolument garder la cohésion du groupe classe que j’avais construite au fur et à mesure des mois depuis le mois de septembre.

J’ai donc repris quelques rituels de la vie de classe d’avant le confinement quand cela était possible : le mercredi éducation musicale, le vendredi un défi maths, pour les histoires je me suis enregistrée.

Et j’ai mis l’accent sur des projets collaboratifs :

  • une poésie collective sur le thème du poisson d’avril, chaque enfant ajoute sa pierre à l’édifice en créant une strophe.
  • pour fêter le printemps, je leur ai proposé de fabriquer des fleurs avec des matériaux de récupération et des objets de la maison. De prendre une photo et de me l’envoyer. Avec les fleurs collectées, j’ai créé un petit film pour la classe.
  • un vote en ligne qui permet à l.a classe de voter pour son livre préféré dans le cadre d’un prix littéraire auquel nous participons (Prix littéraire des Incorruptibles)

 

    Lino

 

Pour les familles qui ont accès à l’informatique :

  • j’ai créé la Synbox de la classe. C’est un outil qui permet le partage de fichiers avec les élèves.
  • pour montrer les gestes d’écriture, j’ai filmé ma main en train de tracer les lettres
  • J’ai également inscris ma classe sur Lalilo qui est une application web construite avec les professeurs des écoles. Elle permet de suivre chaque élève dans l’apprentissage de la lecture, elle permet à la fois un suivi différencié en classe et à la maison. Elle est très appréciée des élèves.

 

Il est clair que je me suis découvert des compétences informatiques insoupçonnées et j’ai beaucoup apprécié cette découverte des outils numériques même si certains d’entre eux ne sont pas encore assez performants : il faut par exemple régulièrement vider la boîte académique qui a une capacité de 5MO, qui est très vite pleine et qui ne permet pas d’envoyer des fichiers lourds.

Je connaissais mal ces outils qu’il a fallu découvrir en urgence. Au début, j’ai dû faire avec les moyens du bord en utilisant ceux que je connaissais et qui n’étaient pas forcément validés par l’Education nationale comme les réseaux sociaux, les messageries, les services de transfert de fichiers. Il a fallu répondre à l’urgence puis on s’est adapté. Il est important de renforcer les formations des enseignant.es dans ce domaine.

Comment ont évolué vos liens avec les parents ?

La relation avec les parents a changé, il a fallu collaborer avec eux, co enseigner, ils sont mon relai entre l’école et la maison. Entre le télétravail et la logistique de la vie quotidienne, ils ont eux aussi relevé le défi de la continuité pédagogique avec beaucoup de mérite.

Certaines inégalités qui étaient invisibles ont aussi été mises à jour. A l’éloignement social et culturel des plus fragiles s’est ajouté « l’éloignement numérique ». Sans équipement informatique, la continuité pédagogique est un défi. La directrice de mon école a fait un travail fastidieux d’impression de documents et a remis chaque semaine un sac avec des outils pour que les élèves puissent travailler.

Finalement on se dit que chaque SMS envoyé, chaque parent au bout du fil, chaque mail envoyé ou reçu, chaque sac remis est une victoire contre l’isolement, contre le confinement et pour que l’école continue en touchant un maximum d’élèves.


Article proposé en partenariat avec :

ANCP&AF Paris : La place, le rôle, la mission du conseiller pédagogique et plus largement des formateurs du 1er degré dans un système éducatif en perpétuelle évolution est une préoccupation constante et majeure de l’ANCP&AF, Association Nationale des Conseillers Pédagogiques et Autres Formateurs.

Cette association professionnelle, de statut loi 1901, vise principalement l’établissement entre ses membres de relations fondées sur la pratique de la coopération intellectuelle et de l’entraide professionnelle. Au sein de l’ANCP&AF Paris, les rencontres et formations de formateurs organisées se donnent pour objectif principal de permettre aux formateurs d’acquérir des gestes professionnels performants et innovants pour accompagner efficacement les professeurs des écoles dans leur mission, la réussite de tous les élèves.