Lors de la rédaction de ce témoignage, en juin 2020, Delphine Creff était enseignante de CM1 à l’école élémentaire 12-14 Alésia, dans le 14ème arrondissement de Paris.
1 – Qu’est-ce que pour vous « enseigner » ?
Enseigner, c’est transmettre des connaissances, des savoirs et des savoir-faire.
Enseigner, c’est aussi permettre aux élèves d’accéder à une certaine autonomie dans leurs apprentissages. Compétence qui s’est révélée particulièrement précieuse dans cette période d’école à distance : être capable d’organiser son travail, où chercher, quand chercher…
2 – Et apprendre ? Quelle(s) composante(s) voussemble(nt) essentielle(s) à l’acte d’apprendre ?
Les composantes essentielles à l’acte d’apprendre sont :
- comprendre, c’est-à-dire mettre du sens dans ce qu’on apprend (les notions, le vocabulaire)
- mémoriser
- s’approprier, faire siens les savoirs et les connaissances et puis les réinvestir et les transférer
- valider son travail et revenir sur ses erreurs : les reconnaître, les comprendre, les corriger
Les conditions pour que l’acte d’apprendre puisse avoir lieu nécessitent de motiver les élèves, de mobiliser et de susciter leur attention, de les faire se concentrer.
L’apprentissage se construit sur le long terme.
3 – Dans le cadre de la continuité pédagogique, qu’avez-vous mis en œuvre pour servir ces composantes ?
Dans le cadre de la continuité pédagogique, ce qui a constitué pour moi la ligne directrice est :
- l’attention particulière au fait d’être très explicite dans les objectifs pédagogiques visés, les contenus et les consignes transmis aux élèves.
- Un rebrassage fréquent des contenus et des savoirs acquis (avec par exemple, l’usage des courtes vidéos issues de Canopé ou de Cap Maths).
- la construction de liens entre les différentes disciplines pour donner du sens aux apprentissages et aider à la mémorisation et au réinvestissement des connaissances.
- Et pour contribuer à l’enrôlement des élèves, l’idée que la dimension plaisir d’apprendre est fondamentale (avec des choix de supports suscitant l’intérêt).
4 – Dans le cadre de la continuité pédagogique, quelle(s) limite(s) inhérentes à l’enseignement-apprentissage à distance avez-vous rencontrées ?
Les limites rencontrées durant cette période sont :
Du côté des enseignants, certains gestes professionnels n’étaient pas possibles à distance : par exemple tous ces gestes qui instaurent une atmosphère de travail ou ceux qui permettent de gérer l’espace-temps de la situation (Cf. D.Bucheton).
Du côté des élèves, la difficulté repérée de façon récurrente a été la mise au travail et le maintien au travail à la maison (réaliser une tâche jusqu’à son terme), l’effet porteur du groupe étant complètement absent.
La situation de classe en direct permise par la visio a donc eu un effet bénéfique pour redynamiser le groupe, mais aussi pour maintenir le lien entre tous : élève/enseignant/groupe.
L’organisation du travail pour certains élèves a été problématique, notamment la hiérarchisation des priorités. L’usage du numérique a été positif mais certains élèves se sont vite perdus dans les écrans.
L’enseignement à distance de disciplines comme l’histoire/géographie s’est montré complexe : le contenu paraissait désincarné. Sans la médiation de l’enseignant, l’accès au sens n’était pas toujours effectif et l’analyse de documents restait finalement une collecte d’informations qui n’étaient pas reliées les unes aux autres et qui demeuraient décontextualisées.
Enfin, un autre écueil m’a frappée : ce que les enfants et leurs parents ont comme conception(s) du travail. Travailler c’est faire le programme envoyé par l’enseignant(e) avec souvent une certaine pression des parents pour le finir… Mais pas forcément de retour sur l’erreur, ni de correction, ni surtout de prise en compte de la compréhension. C’est l’impasse : beaucoup de « travail » effectué mais qui n’est pas au service de l’acte d’apprendre et donc se révèle bien inutile.
5 – Pensez-vous que la réflexion menée aura des répercussions durables sur vos pratiques d’enseignement et cela dès la rentrée prochaine ?
Il est difficile de répondre à cette question et de penser l’impact de cette réflexion sur le long terme, car nous sommes encore dans le vif, partagés entre présence et distance.
Cette situation particulière m’a permis de confirmer certaines de mes conceptions du métier : l’importance de cultiver l’appétence et la curiosité des élèves, même à distance et surtout le rôle essentiel du groupe et des échanges humains dans les apprentissages.