Depuis septembre 2022, Zelda Touchard, chargée de mission au sein de notre fédération, mène une thèse sur les questions de laïcité, de jeunesses et d’éducation populaire. Explications à l’approche de la Journée de la laïcité du 9 décembre.
Zelda, tu es salariée de la fédération et mènes parallèlement une thèse sur la thématique de la laïcité. Peux-tu nous expliquer cette double mission ?
Zelda Touchard – J’ai commencé à travailler sur les questions de discrimination et de laïcité à la fédération en 2021, parallèlement à mes études. Le temps passant et à l’issue de mon master en Sciences de l’éducation, il nous a semblé intéressant, avec la Ligue Paris, d’approfondir ces sujets qui occupent une place importante dans les missions de la fédération. Je me suis donc engagée dans une thèse Cifre, qui me permet d’être à la fois salariée et doctorante. Mes recherches, bien qu’étroitement liées au champ universitaire, ont ainsi vocation à nourrir le projet de la Ligue et les pratiques de ses professionnel·les.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de travailler sur les questions de laïcité en lien avec les publics jeunes ?
Il m’a semblé que les discours politiques et médiatiques sur le rapport qu’entretiennent les jeunes avec la thématique de la laïcité manquaient de précision. D’abord, on entend souvent parler« des jeunes » comme s’il s’agissait d’un public homogène, alors qu’il existe une multitude de jeunesses et donc d’expériences et d’opinions au sujet de la laïcité. Ensuite, différentes enquêtes quantitatives (*voir en bas de page) ont mis en avant le fait que les jeunes défendaient une conception de la laïcité plus libérale que leurs ainé·es : avec un attachement particulier aux libertés qu’elle permet de garantir et une position plus critique vis-à-vis de l’interdiction de signes religieux à l’école ou dans la fonction publique.
Il m’a donc semblé intéressant de me saisir de ce contexte et de tenter de rétablir de la complexité dans les discours produits : d’une part, de fonder mes recherches sur les jeunesses, et d’autre part de donner de la place à leurs expériences de la laïcité pour comprendre la manière dont ils·elles vivent cette dernière.
C’est pour cette raison que ta démarche de recherche est étroitement liée au terrain.
Si j’ai d’abord mené un travail de recherche « classique » en documentant des projets, des pratiques, en me livrant à des analyses documentaires, historiques, ou à des entretiens, j’ai aussi choisi, en effet, de m’inscrire dans une démarche de recherche action participative. Ce type de recherche signifie que les publics enquêtés sont partie prenante des recherches qui les concernent. Cette démarche permet de croiser les savoirs scientifiques et les savoirs pratiques : en clair l’expérience vécue y compte autant que l’expérience académique et les deux se nourrissent l’une l’autre.
Comment as-tu conduit cette « recherche action participative » ?
La première année, j’ai travaillé à partir d’un appel à volontaires, qui m’a permis de constituer un groupe de professionnel·les, travaillant tou·tes à la fédération de Paris, dans les Centres Paris Anim’, au contact des publics jeunes. Ensemble, nous avons discuté de leurs expériences de la laïcité, de leurs questionnements, et difficultés. Ces rencontres nous ont également permis de réfléchir à un ensemble d’ateliers thématiques à mettre en place pour faire discuter les jeunes autour de la laïcité : laïcité et médias, laïcité et réseaux sociaux, laïcité et école…
Dans un second temps, nous avons proposé ces ateliers à plusieurs groupes de jeunes fréquentant des Centres Paris Anim’.
Peux-tu nous parler de ces ateliers ?
Ces ateliers ont été l’occasion de mobiliser et d’expérimenter des outils d’éducation populaire pour aborder la thématique de la laïcité. Ils ont aussi et surtout permis aux jeunes de se rencontrer entre eux, de s’exprimer librement et de partager leurs expériences. La mobilisation de ces groupes sur différentes temps a ainsi permis de créer un cadre de confiance bienveillant et sans jugement, facilitant le partage de connaissances et la confrontation entre différents points de vue.
Le cycle d’ateliers s’est terminé par un week-end collectif et par la réalisation d’un entretien en visioconférence avec Nicolas Cadène, juriste et auteur du livre En finir avec les idées fausses sur la laïcité.
Les participant·es devraient par ailleurs réaliser un podcast dans l’année à venir : ils·elles y prendront la parole pour raconter leur expérience de ces deux années d’ateliers autour de la laïcité. Un projet concret impliquant, là encore, les publics jeunes, et qui devrait survenir un peu avant la fin de la rédaction de ma thèse !
> Thèse Cifre au sein de l’équipe CETS (Crise, Ecole et Terrain Sensible) au laboratoire CREF (Centre de recherches Education et Formation) de l’Université Paris-Nanterre, sous la direction de Ismail Ferhat et Jeanne Demoulin.
* Les enquêtes quantitatives sur les question de jeunesse et de laïcité :
« Laïcité et religion au sein de l’école et dans la société », Centre national des études scolaires (CNESCO) du CNAM, 2020
« Le rapport des jeunes Français à la laïcité dans un monde mondialisé« , Enquête Kantar Public pour le LACES (université de Bordeaux) et le GSRL avec le soutien de l’Institut universitaire de France, 2023
« Ce que pensent les jeunes Français de la laïcité », Guillaume Caline et Jeanne Malet, 2024