Depuis plusieurs mois, Camille Chabran, chargée de mission « lutte contre les discriminations » au service éducation de notre Fédération, développe le programme Safe and proud : mon collège sans LGTBphobies. Elle nous raconte comment ce projet participe à développer des formes d’engagement multiples chez les jeunes.
Camille, tu développes depuis plusieurs mois Safe & proud, explique-nous de quoi il s’agit.
Camille Chabran – Safe and proud est un projet visant à lutter contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle et à l’expression de genre. Il a été développé en trois temps auprès de sept classes allant de la 5e à la 3e. Au cours du premier temps, les élèves ont bénéficié d’une séance de sensibilisation proposée par les associations Contact et Le Refuge. Nous avons ensuite organisé une projection du film Close (Lukas Dhont) qui aborde la question du harcèlement et des LGBTphobies. Lors de la dernière séquence, les élèves ont enfin été invité·es à créer des affiches de prévention à l’aide d’une graphiste professionnelle. Les affiches préférées des élèves feront l’objet d’une campagne d’affichage dans les deux collèges.
Comment les jeunes ont-ils-elles apprécié ce projet ?
Camille Chabran – Safe and proud a, avant tout, permis d’ouvrir le sujet des LGBTphobies. A l’adolescence, les propos et comportements stigmatisants ont tendance à être normalisés. Tout l’objet de mon travail, conjointement à celui des intervenant·es et des professeur·es, a été de rendre visibles à la fois l’aspect négatif de l’homophobie et l’aspect positif de la revendication d’une identité.
L’engagement des jeunes et la citoyenneté sont des composantes particulièrement importantes du projet de notre Fédération. Comment perçois-tu cet objectif dans ton travail ?
Camille Chabran – Je crois qu’il est d’abord important d’être conscient·e que l’engagement peut prendre des formes multiples. Il y a, dans les classes, des jeunes très engagé·es sur la question des LGBTphobies. Mais Safe & proud a aussi permis de développer chez certain·es une posture d’allié·e. Or, cette dernière est aussi une forme d’engagement : prendre soin de l’autre, lutter contre le harcèlement, ça adoucit beaucoup la vie des personnes concernées ! A une échelle plus large encore, je considère que tous les élèves ayant participé au programme se sont éngagé·es : ils·elles ont tou·tes été présent·es et joué le jeu de la création d’une affiche de prévention, sur ce sujet en particulier. Ils et elles ont été actif·ves !
A tes yeux, a-t-on à faire, aujourd’hui, à une génération de jeunes particulièrement engagé·es ?
Les choses sont un peu ambivalentes. Je trouve les jeunes très engagé·es, ou a minima très renseigné·es sur certains sujets : les questions féministes, l’écologie… Les choses bougent, notamment grâce aux réseaux sociaux qui, en dépit des risques que l’on leur connaît, donnent accès à beaucoup d’informations de qualité. Je crois que les ados en tirent de l’énergie et de la force d’engagement. Pourtant, les jeunes que je rencontre semblent parfois, dans le même temps, très découragé·es, voire fatalistes, comme si le pouvoir de changer les choses leur échappait. L’éco-anxiété est un bon exemple de ce phénomène. Et puis, c’est important de préciser aussi que tous les jeunes ne disposent pas de l’espace pour s’engager. Il faut de la disponibilité mentale pour ça et on sait que de bonnes conditions de vie matérielles représentent un facteur favorisant l’engagement : certain·es ont tout simplement d’autres préoccupations et il n’y a aucun problème avec ça.
Selon toi, quel rôle les adultes doivent-ils jouer dans l’engagement des jeunes ?
Les adultes sont parfois des sources d’inspiration… Mais ils ont surtout le pouvoir d’encourager les jeunes à se lancer. Je trouve préférable qu’après cette première impulsion, ils·elles fassent ensuite un pas de côté : il faut laisser les ados suivre leurs propres projets, leurs expériences, sans interférences.
L’Ecole a par ailleurs un rôle à jouer : elle peut être un déclencheur… En particulier lorsqu’elle est complétée par l’éducation populaire qui permet aux ados de se vivre pleinement en sujets actifs ! Je rêverais que l’éducation populaire dispose de plus de moyens pour agir et développer d’autres projets du type de Safe and proud !
Camille, tu as pour ta part 25 ans, te considères-tu comme une jeune personne engagée ?
Je suis engagée de plusieurs manières dans ma vie personnelle. Mais j’ai aussi choisi ce métier pour sa dimension d’engagement : je conçois des projets qui visent à lutter contre les inégalités et qui encouragent les jeunes à réfléchir et à agir. Ce sont mes engagements à moi !