Notre Fédération est signataire d’une tribune publiée ce mercredi 28 février 2024 dans Libération. Aux côtés d’élu·es, de syndicats, et d’organisations, nous en appelons à une politique éducative respectueuse de l’égalité des chances des élèves et des conditions d’exercice des personnels.
La tribune
« Au-delà de la ministre, c’est la politique éducative qu’il faut changer
Halte à la saignée : députés, syndicats et parents d’élèves appellent à se rassembler, le 2 mars place de la Sorbonne à Paris, pour exiger l’annulation des suppressions de postes d’enseignants et de la réforme des groupes de niveau.
Après les propos méprisants de Mme Oudéa-Castéra qui disait tout haut ce que la macronie fait tout bas, il fallait que la ministre change. Mais dans les faits, la casse programmée du service public s’amplifie. Suppressions massives de postes, réduction d’une heure de cours en collège, groupes de niveau délétères et inefficaces, remise en cause de la liberté pédagogique des enseignant·es, faveurs au privé… les coups portés sont rudes ! Illustration sur l’académie de Paris qui concentre et illustre les problématiques nationales.
En ce moment donc, se joue en silence dans les écoles, collèges et lycées publics parisiens une véritable saignée sur les postes d’enseignant·es. Pour la rentrée 2024 : -128 postes dans le second degré et -125 postes dans le premier degré à Paris ; -2 440 dans toute la France.
Alors que notre système éducatif est à la peine pour faire réussir tous les élèves, alors que la France se distingue par une corrélation inquiétante entre inégalités sociales et scolaires, la situation devient particulièrement alarmante. Le manque d’enseignant·es entraîne, entre autres dysfonctionnements, une profonde crise du remplacement dans les écoles primaires parisiennes. Certains jours, jusqu’à 200 classes peuvent se retrouver sans enseignant·es ! La perte de 125 postes de professeur·es des écoles entraînera au moins 150 fermetures de classe, faisant monter partout les effectifs. Elle empêchera aussi les créations de postes nécessaires : remplaçant·es, enseignant·es spécialisé·es pour les élèves en difficulté ou en situation de handicap, formateurs·rices, etc. Dans les collèges et lycées, les 128 postes supprimés impliquent aussi des zones de remplacement insuffisamment abondées, une offre de formation réduite, des effectifs par classe toujours aussi lourds.
Pourtant, l’effectif dans les classes est l’un des meilleurs leviers de réussite scolaire. La France se trouve déjà bien au-dessus des effectifs moyens de l’Union européenne. La baisse démographique pourrait permettre d’agir en faveur du public en donnant des conditions optimales d’enseignement dans tous les niveaux de classe. Au contraire, le gouvernement en profite pour réduire les moyens, dégradant de fait les conditions d’apprentissages des élèves et les conditions de travail des enseignant·es. Son mépris touche aussi les personnels d’accompagnement comme les AESH [accompagnant des élèves en situation de handicap, ndlr]. Leur présence et leur professionnalité sont essentielles au fonctionnement des écoles et à la réussite de tous·tes les élèves. Pourtant, ils et elles gagnent moins de 900 euros par mois, et sont en nombre notoirement insuffisant. L’austérité a un coût humain considérable : les élèves en situation de handicap et les personnes qui les accompagnent.
Si rien n’est fait, le privé scolarisera plus de 50% des élèves à Paris en 2035
Ces choix sont d’autant plus nocifs que l’académie de Paris est tiraillée par de fortes inégalités : elle compte plus de 30% d’établissements en éducation prioritaire (REP et REP+) ; et 37% des collégien·nes vont dans le privé. Par ailleurs, si rien n’est fait, le privé scolarisera plus de 50% des élèves à Paris en 2035. Alors que l’on connaît la forte ségrégation sociale du privé parisien, ce n’est certainement pas le modèle de société que nous voulons pour nos enfants.
Les annonces du plan «choc des savoirs» dessinent une école de l’assignation sociale et du déterminisme scolaire. Les groupes de niveau vont marquer au fer rouge certain·es élèves, acter la fin du collège unique et d’un service public ambitieux pour toutes et tous. A Paris, cette mesure inique ne sera même pas financée, et entraînera la suppression de demi-groupes en langues et en sciences par exemple. Sans compter qu’avec le décret du 22 février portant annulation de crédits publics, pourtant prévus par une loi de finances adoptée à coups de 49.3, près de 700 millions d’euros sont retirés à l’éducation nationale qui manque déjà de tout. Cette somme pourrait se traduire nationalement par plusieurs milliers de suppressions de postes. Nous dénonçons cette politique irresponsable, toujours aussi méprisante des personnels et des élèves.
Il est urgent d’agir. Nous exigeons l’annulation des suppressions de postes et de la réforme des groupes de niveau. Nous exigeons aussi la revalorisation de tous les personnels qui font l’école au quotidien. Il est inacceptable que l’argent destiné à l’éducation de toutes et tous soit détourné au profit d’écoles privées qui ne respectent ni la mixité sociale, ni le pacte républicain, voire la loi. L’argent public doit être investi dans l’école publique. Notre projet est celui d’un service public d’éducation à même de faire réussir tous·tes les élèves. S’il suppose des moyens, il vise l’émancipation de tous les enfants, toutes classes confondues. Il est inacceptable de faire des économies sur l’école publique alors qu’elle participe à construire les citoyen·nes de demain. »
Premiers signataires :
Jean-Noël Aqua conseiller de Paris, PCF Rodrigo Arenas député de Paris, LFI Patrick Bloche adjoint à la maire de Paris, PS Léa de Boisseuil SNUipp-FSU Paris Audrey Bourlet de la Vallée SNUipp-FSU Paris Ian Brossat sénateur de Paris, PCF Paul Casabianca Ligue de l’enseignement 75 Emmanuel Coblence conseiller de Paris, PS Benoît Connétable Snfolc75 FO Arnaud Cora CGT Educ’Action Paris Nathalie Dehez SNES-FSU Paris Benjamin Devaux SE-UNSA Paris Isabelle Dumoulin conseillère d’arrondissement, GénérationS Léa Filoche adjointe à la maire de Paris, GénérationS David Futerman CNT-Ste Paris Magali Hubert SUD éducation Paris Eve Laborie CGT Educ’Action Paris Anne-Sophie Laclautre SE-UNSA Paris Martin Raffet FCPE Paris Raphaëlle Rémy-Leleu conseillère de Paris, EE-LV Jean-Jacques Renard Ligue de l’enseignement 75 Nathalie Robin-Gaufichon SUD éducation Paris Sandrine Rousseau députée de Paris, EE-LV Danielle Simonet députée de Paris, LFI Juliette Urbain FCPE Paris Ketty Valcke SNES-FSU Paris…
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