La continuité pédagogique à Paris / #RÉCIT N°13 : École maternelle 15 rue Tanger (19ème arrondissement)

Corinne Pétrissans est directrice à l’école maternelle 15 rue Tangers dans le 19ème arrondissement. Elle nous raconte l’expérience de coéducation vécue en temps de confinement.

Faire l’école à la maison est un défi pour les familles. Comment cela s’est-il passé pour vous ?

Lundi 16 mars, début du confinement : la classe va devoir se faire à domicile. En très peu de temps, les parents deviennent les intermédiaires de nos pratiques pédagogiques.

Ces parents que nous voyons furtivement le matin, ceux que nous n’osons pas toujours aborder, ceux qui ne parlent pas notre langue, ceux qui nous tutoient sans penser à mal, ceux que nous n’avons jamais vus…

Désormais, un processus d’éducation interactif, entre enseignants et parents, doit se mettre en place : tous les adultes peuvent envisager de travailler ensemble sur le parcours et le suivi de l’élève.

Grâce à l’engagement des enseignants et des parents fortement investis auprès de leurs enfants, les liens école-parents se renforcent progressivement.

Les enseignants apprécient la volonté des parents de découvrir les capacités et les besoins de leur enfant. Ils servent de guide quand les parents ne savent pas toujours comment accompagner leur enfant pour se saisir des ressources numériques, comprendre les consignes ou surmonter la barrière de la langue.

Les premières semaines, quelques parents sollicitent beaucoup les enseignants, certains très peu. Pendant les vacances de printemps, il y a des familles qui éprouvent le besoin de faire une pause. D’autres reprennent vite les activités de l’école à la maison, car elles permettent d’apaiser le climat familial.

Le confinement se prolonge : il faut que les liens se renforcent. Communiquer par téléphone s’avère le moyen le plus accessible pour mobiliser les familles. Les parents, les enfants, les grands frères et sœurs prennent l’habitude de répondre aux appels. Certains élèves appellent leur enseignant, pour chanter une comptine, échanger sur la journée, discuter de la vidéo reçue, etc. Les retours des parents sont très positifs et, à chaque appel, ils manifestent leur enthousiasme à raconter ce qu’ils font avec leur enfant. Finalement, ces rituels téléphoniques font du bien à tout le monde.

À l’exception de quatre familles qui ont rompu tout contact, les parents semblent mieux saisir les enjeux de l’école maternelle. Ils s’investissent de plus en plus. Ils racontent avec fierté les progrès de leur enfant. La communication par téléphone régulière des parents avec les enseignants devient plus spontanée. Elle favorise l’écoute, permet d’identifier les besoins. Les parents se rendent mieux compte de l’investissement des enseignants. Les peurs s’estompent, la confiance s’installe, parents et enseignants coopèrent. Paradoxalement, le confinement rassemble.

On peut donner quelques exemples. Les parents osent dire qu’ils n’ont pas de jeux à la maison. Ils découvrent avec le prêt de jeux de construction et de jeux de société de l’école, le plaisir des enfants à quitter les écrans.

Un parent s’étonne de voir l’investissement de ces deux fils à construire des tours avec des Kapla plusieurs fois par jour.

Les plateformes numériques d’échange des classes fonctionnent très bien. Les enseignants proposent des défis quotidiens : en mathématiques, en phonologie, en arts par exemple. Des parents, peu réceptifs jusqu’alors aux sollicitations de l’école, commencent à s’intéresser à ces propositions. Quelques-uns partagent des vidéos et prennent des photos afin de montrer comment leur enfant relèvent tous ces défis.

Que restera-t-il de cette expérience ?

La coéducation est l’axe prioritaire de notre projet d’école ; elle est basée sur la notion de collectif : pour favoriser la confiance et pour lever les peurs, les parents doivent pouvoir échanger avec les membres de la communauté éducative.

La volonté des enseignants d’aller vers les parents, sans attendre que ces derniers viennent vers eux, d’établir des processus de communication simples, en utilisant les échanges de vive voix par téléphone, permet aux parents de se sentir à l’aise pour les contacter. C’est d’autant plus important que notre école maternelle est située en REP.

C’est à cette condition que notre projet d’école s’inscrit dans la « continuité » des apprentissages à la maison en temps de confinement. Les enseignants réfléchissent maintenant à ne pas perdre cette qualité de relation aux parents à l’avenir.

Remerciements. Je remercie toute l’équipe et en particulier Marine Thibaut et Élisa Spanu pour la qualité de leurs témoignages.


Article proposé en partenariat avec :

ANCP&AF Paris : La place, le rôle, la mission du conseiller pédagogique et plus largement des formateurs du 1er degré dans un système éducatif en perpétuelle évolution est une préoccupation constante et majeure de l’ANCP&AF, Association Nationale des Conseillers Pédagogiques et Autres Formateurs.

Cette association professionnelle, de statut loi 1901, vise principalement l’établissement entre ses membres de relations fondées sur la pratique de la coopération intellectuelle et de l’entraide professionnelle. Au sein de l’ANCP&AF Paris, les rencontres et formations de formateurs organisées se donnent pour objectif principal de permettre aux formateurs d’acquérir des gestes professionnels performants et innovants pour accompagner efficacement les professeurs des écoles dans leur mission, la réussite de tous les élèves.