Lors de la rédaction de ce témoignage, en août 2020, Philippe Roi était maître formateur spécialité langues vivantes dans une classe de CE2 à l’école élémentaire Vicq d’Azir, dans le 10ème arrondissement de Paris.

1 – Qu’est-ce que pour vous « enseigner » ?

Enseigner est pour moi une passion. C’est aussi une rencontre entre diverses et différentes individualités. Cette rencontre doit être préparée et travaillée, retravaillée constamment. Elle est évidemment en lien avec l’acte d’apprendre. Les deux vont de pair et sont indissociables. Enseigner c’est également de l’étonnement de tous les instants. Se préparer à être étonné et surpris par les élèves. Se préparer à ce que les lignes bougent et parfois pas forcément dans le sens que l’on voulait, que l’on espérait. Cela peut être aussi faire son deuil d’être le(la) super enseignant-e qui n’existe pas.  Enseigner est également à mettre en lien avec la communication avec les parents afin d’expliquer, d’expliciter, de rassurer tout en étant clair-e et précis-e, bienveillant-e mais ferme.

2 – Et apprendre ? Quelle(s) composante(s) vous semble(nt) essentielle(s) à l’acte d’apprendre ?

Pour apprendre il faut tout d’abord avoir un projet. On observe souvent des enfants passionnés par tel ou tel sujet. Il faut alors essayer en tant qu’enseignant-e de créer cette envie, ce projet. Cela est en lien avec la passion de l’enseignant-e pour son travail. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’un-e enseignant-e passioné-e deviendra passionnant-e.

Pour apprendre il faut surtout être encouragé par l’enseignant-e. Comprendre qu’il/elle croit en nous. Faire du statut de l’erreur un élément central de la vie de la classe et désacraliser l’erreur comme chemin obligatoire de tout apprentissage. Être capable de dire ce que l’on réussit et ce que l’on a encore du mal à faire.

Je pense que la rencontre se fait véritablement lorsque l’enseignant-e est également dans une position d’apprenant-e. En effet, a-t-on jamais fini d’apprendre ?

3 – Dans le cadre de la continuité pédagogique, qu’avez-vous mis en œuvre pour servir ces composantes ?

Des contacts extrêmement fréquents avec les élèves de la classe. Les féliciter régulièrement pour leurs efforts, les rassurer par rapport à une crise sans précédent et être très disponible et à l’écoute.

Créer des projets où chacun-e participe selon ses possibilités mais où la participation de tous/toutes est obligatoire pour que le projet puisse aboutir.

4 – Dans le cadre de la continuité pédagogique, quelle(s) limite(s) inhérentes à l’enseignement-apprentissage à distance avez-vous rencontrées ?

On ne peut nier que l’enseignement à distance ne peut remplacer le présentiel. Quid des exercices faits à la maison ? Par qui sont-ils faits ? Quelles aides ont été données par l’entourage ? Il a donc été très difficile de procéder à une évaluation précise des acquis des élèves. Cela a été presque impossible. Il a été également très difficile de collecter les productions des élèves dans des temps acceptables. Certaines familles très éloignées de l’école ont dû bénéficier d’un accompagnement spécifique qui a pu s’avérer extrêmement énergivore.

5 – Pensez-vous que la réflexion menée aura des répercussions durables sur vos pratiques d’enseignement et cela dès la rentrée prochaine ?

Oui et notamment sur la lecture. Je pense qu’il est tout à fait possible avec les nouveaux outils de communication de procéder à une évaluation formative et formatrice des élèves en ce qui concerne la lecture orale. En effet, les temps d’évaluation de lecture en classe sont très restreints. Communiquer avec les parents sur les critères d’évaluation peut être une aide certaine afin que les élèves progressent sur le décodage. Les élèves peuvent bien entendu s’emparer de ces critères afin que leur lecture soit améliorée. Je ne parle pas ici de compréhension toutefois. L’élève peut enregistrer un texte à lire et l’enseignant-e peut analyser le type d’erreurs et proposer en classe des remédiations.

Certains projets peuvent être travaillés à distance avec par exemple, une production d’écrit faite en classe et une création visuelle à la maison.