Lors de la rédaction de ce témoignage, en juillet 2020, Sophie Caron était enseignante de CE2-CM1 à l’école polyvalente d’application Boursault, dans le 17ème arrondissement de Paris.

 

AVANT-PROPOS

Avant d’entrer dans la réflexion, j’ai éprouvé le besoin de redessiner le cadre collectif et individuel dans lequel cette dernière nous a été suggérée.

La crise du coronavirus ébranle le monde entier et chacun et chacune d’entre nous dans son mouvement naturel. Que l’on soit plus ou moins actif, le confinement nous a assignés à résidence, nous obligeant ainsi à passer d’une vie de déplacements (professionnels, commerciaux, personnels…) à une vie domestique réduite. Les conditions de confinement ont été différentes selon les dimensions et le lieu où ce dernier a été vécu mais ont ceci en commun d’avoir été limitées à l’espace d’une habitation.

Ainsi que la faune et la flore se retirent à la saison idoine, la crise du coronavirus nous aura donc poussés à respecter un retrait hivernal au début du printemps. Elle nous aura amenés, au moment de l’année où, à l’instar du soleil, nous sommes supposés sortir davantage, à rester chez nous. A s’arrêter à l’époque où tout renaît. Ironie du sort que cette météo particulièrement clémente pendant le confinement, comme un pied de nez que nous ferait la nature durant ce repli forcé.

Moins qu’un mouvement contradictoire, j’y ai vu un mouvement contraint, selon la définition que la contrainte est une obligation à respecter. Comme il faut parfois s’atteler à la tâche quand on l’a trop repoussée, la crise sanitaire nous aura donc fortement invités à respecter une pause forcée. A prendre du recul sur les choses. A prendre du temps.

Elle nous aura imposé un arrêt, tout du moins un ralentissement et un repos du corps comme pour laisser la place à la pensée. Quel cadre alors plus propice à la réflexion que celui-ci ? Quelles « meilleures » circonstances que celles que la crise nous aura dictées ? Que n’avons-nous pas entendu que si l’on se plaignait de toujours manquer de temps, ici la situation nous le donnait ? Cette contrainte apportait le cadre et le temps nécessaires à la réflexion.

Qu’est-ce que réfléchir, ainsi qu’il nous l’a été proposé, sinon prendre le temps du recul ? Ne serait-ce pas d’ailleurs contradictoire que de réfléchir à l’acte d’apprendre au moment où l’on peut le moins agir ? Mais le fait d’agir est-il cantonné à une action corporelle, physique ?

En tant qu’enseignante et active, je me confronte sans cesse au manque de temps et n’opère que trop rarement ce recul sur mon métier. J’ai conscience de privilégier au quotidien les gestes et les actions techniques, de répondre davantage aux demandes administratives qu’à mes besoins plus intellectuels et philosophiques pourtant très présents. Comme tout le monde, je pense toujours qu’une fois que j’aurais tout fait, je prendrais le temps. Mais l’on sait bien qu’on ne le fait jamais, ou en tout cas, jamais vraiment. Il en va donc d’un choix de réfléchir et de se placer dans les conditions pour le faire. Il en va donc bien d’une action. D’un acte d’apprendre.

Ainsi que le disait Baudelaire à propos du sonnet, « parce que la forme est contraignante, l’idée jaillit plus intense »[1]. Le mouvement imposé par le confinement, ce passage obligé de l’extérieur à l’intérieur, de l’enseignement physique au retour chez soi, a été pour moi à l’image du mouvement que je devrais davantage suivre dans mon métier. Un aller-retour constant entre la réflexion et la pratique. Entre la pensée et la mise en œuvre. Je remercie donc la Ligue de l’Enseignement de m’en avoir donné l’occasion.

 

1 – Qu’est-ce que pour vous « enseigner » ?

Selon l’étymologie latine, « enseigner » vient de insignare et signifie « signaler ». Aujourd’hui, selon la plupart des définitions, enseigner signifie transmettre. « Transmettre un savoir de type scolaire » selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales[2], « transmettre les éléments d’une science, d’un art », première définition que l’on trouve en saisissant la recherche sur Internet[3]. Signaler, transmettre… : enseigner implique donc de délivrer un message à un interlocuteur. On enseigne quelque chose à, on transmet un savoir à quelqu’un.

Les définitions des verbes étant rédigées à l’infinitif, je n’ai pu m’empêcher d’opérer la distinction entre verbes d’état et verbes d’action. Ainsi, exceptés « être, paraître, sembler, devenir, avoir l’air, rester, demeurer… », tous les autres verbes sont des verbes d’action. Pourquoi alors « transmettre, signaler » pour exprimer le fait d’enseigner me semblaient insuffisants ? En effet, si « transmettre, signaler » impliquent bien une situation de communication composée d’un message et d’au moins deux parties -un émetteur et un récepteur (groupe ou individuel), ils semblent traduire un mouvement unique de l’émetteur du message -l’enseignant- vers le récepteur -l’élève. Comme on envoie un texto, un courriel, comme on transmet une information, comme on signale un danger, la situation implique un trajet et une destination de l’information sans néanmoins prendre en compte le destinataire et sa réception. Par l’omission du récepteur-élève, « transmettre » restait incomplet pour définir l’acte d’enseigner.

Que l’on pratique une pédagogie inspirée par le courant behavioriste ou constructiviste, il est une chose que l’enseignement requiert pour l’appropriation des savoirs par l’élève : le découpage de la compétence. De la même manière qu’avant de courir, on a appris à se lever puis à marcher, la compétence ne représente pas un seul message mais une succession d’étapes auxquelles l’élève est confronté par l’enseignant et il est du devoir de ce dernier d’organiser la progressivité de ces étapes. La compétence – l’ensemble des capacités, des attitudes et des savoirs nécessaires à la maîtrise d’une notion – ne se délivre pas en une fois et sans échange. La multiplication par exemple, nécessite de comprendre l’itération de l’addition, puis s’effectue en ligne, posée, à un chiffre, puis deux…et si l’on veut remonter plus loin, implique de connaître et comprendre l’écriture des chiffres et le dénombrement des quantités. L’élève comme l’enseignant ont été amenés à construire le savoir progressivement et à se confronter -à des niveaux différents- aux mêmes questionnements : Comment dois-je faire ? Est-ce que cela fonctionne ? Est-ce que cela a été compris ? Comment réajuster ?

Les termes employés lorsqu’on parle de pédagogie et plus généralement, du travail d’enseignant sont, à ce titre, particulièrement signifiants : on construit son enseignement, on conçoit les apprentissages, on prépare sa classe, on met en œuvre les savoirs, on organise son emploi du temps… Des verbes qui sont autant d’actions et que certaines définitions d’enseigner mettent en lumière par le plus générique représentant des infinitifs : enseigner, c’est faire apprendre, faire savoir[4].

Enseigner est donc une action de construction de la part de l’enseignant nourrie par l’expérience de l’élève. On construit la compétence comme on construit une maison. On ne commence pas par le toit. Même une maison en kit livrée sur pièces aura été auparavant montée et avant de visualiser le tout et de pouvoir y vivre, on a nécessairement pris du recul sur ce que l’on faisait, vérifié les étapes, rectifié les erreurs, surmonté les difficultés, écouté les conseils et les retours. Enseigner, d’état et d’action, c’est bâtir, c’est être l’artisan de son savoir.

2 – Et apprendre ? Quelle(s) composante(s) vous semble(nt) essentielle(s) à l’acte d’apprendre ?

APPRENDRE

On ne saurait donc se contenter de dire qu’apprendre revient à recevoir le message de l’enseignant et à l’ingérer comme tel. L’image négativement symbolique du professeur diffusant son savoir aux élèves comme un éleveur gaverait des oies est la plus employée pour caractériser un « mauvais » enseignement.

Comme nous en avons parlé plus haut, l’élève n’est pas le récepteur passif du message de l’enseignant mais l’acteur et l’artisan de son apprentissage. Le fait d’apprendre est, telle la distinction grammaticale, la conjonction d’un état et d’une action, d’une attitude et de capacités, illustrée dans le vocabulaire courant du monde enseignant et des documents officiels du socle et des programmes. En effet, apprendre c’est, selon l’expression tacitement consacrée, « être » élève et développer des compétences d’apprentissage, tel que le formule le domaine 2 du socle commun de connaissances et de compétences : « Tous les enseignements doivent apprendre aux élèves à organiser leur travail pour améliorer l’efficacité des apprentissages »[5]. Apprendre, c’est donc se rendre mentalement et physiquement disponible. Si l’Education Physique et Sportive le manifeste de manière évidente par le corps, tout apprentissage nécessite la compréhension et l’application. Concrètement, la compréhension des consignes, de la notion et la mise en œuvre (écrire, effectuer un exercice, manipuler, utiliser et connaître ses outils…). Être dans une démarche d’écoute et de restitution actives.

 

QUELLES COMPOSANTES ESSENTIELLES À L’ACTE D’APPRENDRE

Il semble important de faire la différence entre être acteur et être responsable de ses apprentissages. Un élève est responsable de ses affaires, responsable de son comportement envers lui-même et les autres et il peut être nécessaire de le lui rappeler parfois. Cependant, ainsi que l’exprime le socle, l’élève apprend à organiser son travail. Il apprend à apprendre. Apprendre étant aussi un apprentissage, l’élève ne peut être tenu pour responsable de ce dernier. Il ne peut à lui seul et aux âges de l’école, maîtriser la métaphysique et la physique de son travail. Enseigner et apprendre sont des actions indissociables ; la première doit être mise en œuvre par l’enseignant pour faciliter l’implication de l’élève dans la deuxième. Une des composantes essentielles pour apprendre est donc la présence de l’enseignant dans la maîtrise des rôles professionnels qui lui incombent : celui de référent, de chef d’orchestre et de pédagogue. Il est le métronome qui rythme le temps et les conditions d’apprentissage, qui sont aussi des composantes essentielles à l’acte d’apprendre.

Être responsable de la mise en œuvre des apprentissages pour l’élève, c’est lui proposer un contenu dans un cadre et un temps imparti adaptés. En tant que professionnel de l’éducation, c’est prendre en compte les rythmes et le développement de l’enfant pour son épanouissement individuel et collectif d’élève et de futur citoyen. Tel un metteur en scène, l’enseignant unit dans sa pédagogie le fond et la forme. Il pense et met en œuvre son enseignement. Cette dynamique révèle deux dimensions essentielles à l’acte d’apprendre : la maîtrise de ses outils et des notions. On peut faire classe sans tout préparer. Plus on a d’expérience, plus on peut se permettre d’improviser mais les documents de préparation restent la structure fondamentale de la pédagogie de l’enseignant qui doit connaître son texte par cœur. La fiche de préparation de séquence ou de séance qui détaille les étapes de l’apprentissage oblige à remettre sans cesse à jour sa connaissance de la notion jusqu’à la maîtriser parfaitement dans le but de sa mise en œuvre, de son enseignement. Ainsi qu’au théâtre, apprendre se joue dans une unité de temps, de lieu et d’action, l’enseignant et l’élève endossant leurs rôles tels des metteurs en scène et des acteurs.

3 – Dans le cadre de la continuité pédagogique, qu’avez-vous mis en œuvre pour servir ces composantes ?

J’ai fait le choix, dès le jour de la fermeture des écoles, d’assurer aux élèves le cadre le plus proche possible d’une classe en présentiel afin de maintenir cette unité de temps, de lieu et d’action. Il me semblait capital de garder le contact visuel avec eux. Je savais déjà que j’opterai pour la classe virtuelle, ce qui m’a permis, à la dernière sortie des classes avant le confinement, le vendredi 13 mars 2020, d’annoncer aux élèves que même si nous allions travailler depuis la maison, rien ne changeait. Ils seraient, « comme en classe », connectés aux mêmes heures hebdomadaires avec leurs camarades et leurs outils. La continuité pédagogique m’a donc premièrement demandé une mise en œuvre technique. J’ai attendu les deux jours qui ont été nécessaires au bon fonctionnement des outils RGPD de l’Education Nationale (BlackBoard Collaborate pour la classe virtuelle et Paris Classe Numérique pour les échanges de mails et le cahier de textes). J’ai ensuite créé des groupes de quatre élèves afin d’avoir chacun et chacune sur une image fixe à l’écran et un emploi du temps hebdomadaire de connexion.

Suivant ce que j’ai exprimé plus haut, les documents de préparation que sont mes programmations et progressions par périodes ainsi que les manuels de classe[6] m’ont permis de mettre à jour ce qui avait été fait et restait à faire. Chaque élève ayant emporté un manuel de français et de mathématiques, j’ai listé les pages associées aux notions à travailler, reconstruisant ainsi pour le distanciel des programmations telles qu’elles étaient affichées dans la classe en présentiel.

La majeure partie de cette continuité a consisté pour moi à réfléchir et travailler davantage sur le fond que la forme qui elle, était déjà organisée. En effet, l’emploi du temps, l’écran et les manuels sont devenus le cadre et le support des apprentissages et en tant qu’objets, assuraient l’appartenance à l’espace classe, quelle que soit sa forme et rappelaient l’école aux élèves.

Sur le fond, j’ai dû opérer des choix pédagogiques précis dans une période floue. Sans être certaine que nous retrouverions une classe entière, j’ai tout de même préféré conserver pour un éventuel retour physique à l’école, parmi les notions restantes du programme, celles que je pensais les plus difficiles à comprendre et les moins évidentes à enseigner à distance. Je n’en ai introduit de nouvelles que si les compétences étaient très accessibles. Concrètement, il me semblait par exemple plus judicieux de travailler l’entrée dans la division pour les CE2 et les fractions, les décimaux pour les CM1 en présentiel car ces notions sont aussi importantes que redoutées – en tout cas envisagées avec appréhension.

Cette sélection me semblait nécessaire d’autant plus qu’au-delà des contenus d’apprentissages concernés, elle me permettait de placer les élèves dans une zone de confort et de proche développement afin de ne pas multiplier les difficultés et les potentiels impacts psychologiques. Je ne trouvais pas pertinent de rajouter au bouleversement imposé par le confinement la crainte de ne pas réussir et de ne pas comprendre.

Ces choix ne signifient pas que les élèves se sont reposés sur leurs lauriers ou que je me suis contentée de révisions, au contraire. L’usage de l’ordinateur prenait tout son sens, en grammaire notamment, pour les travaux sur les accords dans le groupe nominal. Étant moins accoutumés à l’écriture au clavier, les élèves devaient réfléchir en amont à l’écriture du mot et aux règles qui la régissaient, trouver la lettre mentalement puis sur le clavier. La continuité pédagogique a donc revêtu les deux aspects fondamentaux de l’acte d’enseigner : penser et mettre en œuvre sa pédagogie, dans le contenu et l’usage des outils.

4 – Dans le cadre de la continuité pédagogique, quelle(s) limite(s) inhérentes à l’enseignement-apprentissage à distance avez-vous rencontrées ?

Les difficultés d’enseignement et d’apprentissage rencontrées durant la classe à distance ont été des limites physiques dues à l’éloignement géographique de la classe en tant que salle de classe et groupe humain.

Mes élèves étaient, pour la majorité, des élèves assez à l’aise. C’est donc lorsqu’une une difficulté de compréhension persistait que je me confrontais aux limites de la classe virtuelle. Si ce cadre avait permis de s’approcher au maximum d’un espace-classe, il n’en restait pas moins, tel que son nom l’indique, virtuel. Là où en classe, l’enseignant est présent physiquement et peut passer voir individuellement le travail des élèves, à distance, cette interaction privilégiée est impossible. Ayant enseigné plusieurs années en maternelle, j’ai souvent vécu, lors de la sieste, ces moments où il suffit de s’approcher de certains élèves qui ne parviennent pas à trouver le sommeil et de rester près d’eux pour qu’ils s’endorment. Pouvoir se rapprocher physiquement dans la gestion de son espace-classe permet d’instaurer une relation privilégiée avec l’élève qui se sent plus à l’aise de partager ses difficultés et de demander de l’aide, qui se sent peut-être plus libre de se tromper. Cet aparté est parfois le levier de déblocage immédiat d’une difficulté. Cette proximité permet également d’attribuer à chacun et chacune, des remarques, des félicitations, des encouragements personnels ou de s’adresser à la classe entière. L’élève est ainsi reconnu dans sa singularité et son appartenance collective au groupe. Il est reconnu en tant qu’élève.

Ainsi que nous en avons pour la grande majorité tous manqué, la classe physique reste un lieu de sociabilisation où l’élève a ses référents (enseignants, directeur, personnels de l’école…) et ses repères affectifs : ses camarades. Il peut interagir avec eux, ils peuvent s’entraider. A distance et à travers un écran d’ordinateur, les regards traduisaient parfois le manque, la lassitude et la motivation s’en ressentait. Il n’y a réellement qu’en présence que l’on fait l’expérience de l’altérité, que l’on confronte ses connaissances et ses différences. Que l’on prend conscience de soi et des autres, de ce que l’on sait et comment on le partage. En classe à distance, l’émulation était bien moins évidente.

Cette émulation nécessaire qui provoque un effet positif d’entraînement manquait également au rythme. Si les élèves ont considérablement gagné en autonomie, ils sont aussi ressortis de cette période très fatigués puisque, comme nous en avons parlé plus haut, malgré les précautions prises pour rendre l’enseignement le plus accessible possible, ils ont pris seuls en charge leurs apprentissages : découverte, lecture, compréhension, application. L’énergie mentale et intellectuelle déployée était considérable là où d’ordinaire, comme le veut l’adage, « 80% du travail est fait en classe ».

Enseigner dans ces conditions, sans pouvoir montrer dans l’espace, sans pouvoir utiliser d’autres supports (matériel, manipulation…) était particulièrement ardu. La reformulation s’accompagnait de la répétition mais sans démonstration, l’apprentissage était parfois compliqué. Dessiner un schéma sur une feuille blanche, le tenir d’une main face à la webcam et montrer de l’autre ce sur quoi l’élève devait porter son attention pour comprendre s’apparentait davantage à de la gymnastique car avant de lire, il fallait déjà s’assurer que l’élève voie. Ces manipulations représentaient une déperdition d’énergie et de temps.

L’écran qui était à l’origine le repère permettant de conserver le format le plus proche de la classe devenait l’obstacle à la réception et la compréhension, ne permettant plus un « enseigner-bâtir » ni un « enseigner- transmettre ».

Je reste enfin convaincue que l’enseignant est debout dans sa classe et au sortir du confinement, la mémoire du corps m’a rappelé que là était ma place. Avoir été assise pendant presque deux mois de classe virtuelle m’a prouvé qu’on ne peut enseigner face à un ordinateur comme on travaillerait dans un bureau. Retrouver la station debout était à la fois un soulagement et un retour à une posture professionnelle naturelle. Il était temps, après s’être retiré, de se redéployer.

 

5 – Pensez-vous que la réflexion menée aura des répercussions durables sur vos pratiques d’enseignement et cela dès la rentrée prochaine ?

Ce recul intellectuel sur le métier m’a permis de prendre conscience que ces temps de réflexion, loin d’être chronophages, servent la qualité et l’efficacité de l’enseignement par le tri qui s’opère entre ce qui fonctionne ou non et par le retour philosophique sur son rapport au métier. Se poser la question de sa posture, de sa manière d’enseigner, de sa méthode, constater et intégrer les aspects positifs comme les manques dus à la classe virtuelle, permettent d’orienter ses préparations vers l’essentiel et d’affiner sa personnalité professionnelle. La stature plus affirmée, la structure de l’enseignement s’en retrouve plus nette, constituant un cadre d’apprentissage rassurant pour l’élève.

Cette nécessité de cadre et de structure impliquée par la classe virtuelle m’a enjointe à davantage de rigueur dans mes préparations. Lors du confinement, le retour à un usage renforcé du manuel en raison de la situation m’a amenée à redérouler pas à pas chaque compétence pour être sûre de la compréhension des élèves. Ne pas pouvoir improviser comme on pourrait le faire en classe, devoir construire les notions très progressivement en tenant compte de l’environnement sonore et de la concentration (bruits de la maison, mauvaises connexions…), doser sa quantité de parole afin de ne pas épuiser l’écoute des élèves qui avaient déjà les yeux déjà rivés sur l’écran, m’a permis d’opérer un retour aux fondamentaux. Si, en classe réelle, je plaçais parfois les élèves en situation de recherche de manière un peu improvisée, les conditions d’enseignement lors du confinement m’ont rappelé, ainsi que le disait Freinet, qu’« avant de lâcher les mains, il faut s’assurer que les deux pieds touchent bien le sol ». La situation de recherche comme la démarche scientifique sont des séances pédagogiques structurées par phases qui demandent de penser une véritable problématique pour provoquer chez l’élève un questionnement aussi stimulant que constructif. Pour ce faire, ainsi que l’exige le métier, on se doit de maîtriser les outils et mettre sans cesse à jour ses connaissances. Cette réflexion m’a permis de repasser par les fondamentaux de la formation et de saisir à nouveau l’importance de préparer en amont les connaissances et compétences avant de les construire pour les élèves.

Les répercussions de ce questionnement, fulgurantes intellectuellement, élégantes par leur évidente simplicité et nécessité trouveront leur place dans ma pratique et mes futures préparations pour la rentrée scolaire convoquant rigueur dans le fond et la forme. Un retour aux sources pédagogiques.

_______________________________________________________________________________________

[1] Charles Baudelaire, Lettre à Armand Fraisse, datant du 18-19 février 1860

[2] https://www.cnrtl.fr/definition/enseigner

[3]https://www.bing.com/search?q=d%C3%A9finition+enseigner&cvid=f576b2b670224317b3ccd36e240cc429&F ORM=ANAB01&PC=ACTS

[4]https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/enseigner/29805#:~:text=D%C3%A9finitions%20de%20enseigner.%20Faire%20apprendre%20une%20science%2C%20un,compl%C3%A9ment%29%20%C3%8Atre%20enseig nant%20%3A%20Il%20enseigne%20%C3%A0%20l%27universit%C3%A9

[5] In Programme du cycle 3, Volet 2 « Contributions essentielles des différents enseignements au socle commun, Domaine 2 « Les méthodes et outils pour apprendre »

[6] CE2 : Maths Tout Terrain CE2 et Millefeuille / CM1 : Maths Tout Terrain CM1 et Outils pour le Français 2008