Déconfinement et funambulisme !
Par Emmanuelle Pievic, Inspectrice de l’éducation Nationale, Paris 1/2/4 Louvre
Aux parents d’élèves et à la population qui observent l’école de l’extérieur …
Rappelons-nous du début du confinement et de la considération soudaine que l’on portait aux enseignants qui avaient su en un temps record trouver des stratégies innovantes pour répondre à la nécessité du travail à distance. La société soulignait leur dévouement et leur réactivité.
Phase 1 du déconfinement : les ordres officiels sont clairs (pas plus de 15 élèves par classe, respecter les gestes barrière, nombreux lavages de mains, sens de circulation…) et on reste prudents. On prend des groupes d’enfants mais pas de trop grands groupes. On teste, on voit… de toute façon, il n’y a pas trop de demandes car les parents d’élèves sont en attente et eux aussi prudents face au risque de la Covid.
Les directeurs d’écoles et les équipes font le job et s’en tirent bien. En période de crise, et depuis le 14 mars 2020, puisque tout se passe bien, ils sont plutôt contents et fiers d’avoir pu réouvrir les écoles et de retrouver leurs habitudes, même si ce n’est qu’avec un petit nombre d’élèves.
Phase 2 du déconfinement : la société s’ouvre de plus en plus. Les gestes barrières restent de mise mais il y a de plus en plus de gens et de voitures dans les rues, les cafés ouvrent. Des habitudes de lien social que l’on avait mises de côté reviennent naturellement. Les gens sortent, se retrouvent, et souhaitent rattraper le temps. La société retrouve donc petit à petit son rythme de croisière habituel alors que pour les écoles, le déconfinement se fait à rythme contraint. L’écart entre le changement de braquet de la société et celui de l’école devient rude pour les directeurs d’école et les équipes. Ils ont l’impression d’être coincés dans un étau. D’un côté, ils assistent à la demande croissante et légitime des parents qui souhaitent que leurs enfants retournent à l’école à plein temps et le plus souvent possible. De l’autre côté, ils sont obligés d’appliquer le protocole sanitaire très strict et la poursuite du distanciel qui est demandée par la hiérarchie mais également par certains parents d’élèves qui ne souhaitent pas remettre leurs enfants à l’école. Concrètement, quand une école peut accueillir les élèves à mi-temps, c’est déjà une victoire pour les équipes mais pour les parents et pour la société ce n’est à présent plus assez…
Du point de vue des enseignants, rien n’est plus compliqué que de s’échiner à mettre en place un protocole sanitaire strict toute la journée et constater au jour le jour le décalage qui s’accentue entre la vie à l’école et celle à l’extérieur : à 16h30, la cloche sonne, tous les enfants vont au parc, se font des bises et les parents se retrouvent.
Par ailleurs, il va falloir à présent trouver des solutions, et vite, pour augmenter le nombre d’élèves par jour dans les écoles !!! Et les directeurs et leurs équipes vont les trouver !!! Il n’est pas possible de laisser penser que les équipes pédagogiques ne veulent pas accueillir les enfants ! Il est important de prendre en considération leur état d’esprit et ce hiatus doit être exprimé clairement pour qu’il puisse être compris par tous : comment maintenir le protocole strict et en même temps augmenter le nombre d’élèves ? Comment augmenter le présentiel et en même temps maintenir le distanciel ?
Bien sûr les directeurs ont des marges de manœuvre et ils vont les mettre en action :
- augmenter le nombre d’élèves par groupes (ce qui était difficilement envisageable au début de la crise l’est complètement maintenant)
- augmenter le nombre de groupes (mais garder l’équilibre avec le travail en distanciel)…
Le maître mot : ne laisser aucun enfant sur le côté. Si cela suit au niveau logistique (ménage, cantine, etc.), ce sera tout à fait possible et la montée en charge se fera rapidement.
Une solution : faire confiance aux équipes. L’institution fait confiance aux équipes mais que faire face à cette pression qui est présente et qui s’accroît ? Laisser gérer : les directeurs savent être réactifs, savent répondre aux inquiétudes avec bon sens, respecter le cadre avec bienveillance. Il est souhaitable de comprendre leur situation de funambule et de les aider à rester solides sur leurs appuis pour mieux passer ce cap et qu’ils poursuivent leur mission.
L’étape 3 déconfinement est donc attendue avec beaucoup d’empressement. En espérant qu’elle puisse se mettre en place et que le confinement restera un mauvais souvenir…
Article proposé en partenariat avec :
ANCP&AF Paris : La place, le rôle, la mission du conseiller pédagogique et plus largement des formateurs du 1er degré dans un système éducatif en perpétuelle évolution est une préoccupation constante et majeure de l’ANCP&AF, Association Nationale des Conseillers Pédagogiques et Autres Formateurs.
Cette association professionnelle, de statut loi 1901, vise principalement l’établissement entre ses membres de relations fondées sur la pratique de la coopération intellectuelle et de l’entraide professionnelle. Au sein de l’ANCP&AF Paris, les rencontres et formations de formateurs organisées se donnent pour objectif principal de permettre aux formateurs d’acquérir des gestes professionnels performants et innovants pour accompagner efficacement les professeurs des écoles dans leur mission, la réussite de tous les élèves.